2008 / 2009
Les Ramipèdes rampent.
Leurs corps mous y promènent leur étrangeté hybride, rhizomes de chair blanche mue par des pattes-racines aux allures d'organes. "Chez les Canaques, les diverses parties du corps sont toutes désignées par des termes empruntés au règne végétal", écrit l'Anthropologue David Le Breton. Il ne s'agit pas d'une métaphore. Pour eux, "le corps n'est pas conçu comme une forme et une matière isolée du monde, il participe en son entier d'une nature qui, à la fois, l'assimile et le baigne". La mise à nue de ce lien entre les mondes minéral, végétal, animal et humain, de leur "identité de substance", est le moteur profond du travail de Claire Lindner. Sous la peau de terre blanche des Ramipèdes circule la chose vivante qui anime la matière. Ici, la forme organique n'est pas une pièce détachée d'un corps mécanisé mais l'extrait non répertorié d'un tout indifférencié, l'image d'une énergie sensible aussi bien dans l'arbre, la biche ou l'homme. Pour l'artiste, la manipulation même du matériau fait partie intégrante du dévoilement de cette présence saisie par la terre en un mouvement qui la fige. Un sang doré suinte aux extrémités des membres-branches des Ramipèdes. Quel secret merveilleux coule donc dans ces turgescences tubulaires? Claire Lindner se tient toujours dans l'entre deux de l'attraction-répulsion. Une ambivalence parfaitement servie par la porcelaine qui tout en soulignant l'aspect organique, reste cependant sensuelle, douce, séduisante.
Pascale Nobécourt Le journal de la Céramique pour les journées de la Céramique de la Place St Sulpice, 2009
Ces créations invertébrées, habitées de tensions, toxiques et innocentes à la fois, sont une version nouvelle du monstre qui habite l'histoire de l'Art depuis que l'Homme s'interroge sur lui-même et sur la vie. Al'appui de son travail, la jeune céramiste invoque les penseurs et les artistes qui ont abordé la question de l'informe organique et de l'excrémentiel, Bataille et son déclassement de la matière, Fontana et son Concetto Spaziale, Roland Barthes et Hans Bellmer. Elle utilise le même procédé de fines lignes rendant la forme aussi mouvante que celui de l'artiste surréaliste dans ses dessins érotiques.
Carole Andréani pour La Revue de la Céramique et du verre
Numéro 150 Janv/Fev 2008
Concrétions
Porcelaine, bas en nylon, vermiculite
2009 / 2010
Leviathan
This work was born of a study of geological formations,
most specifically in forms that have been created through concretion: a process of drop after drop falling containing all the traces of its development, the result not being a defined volume but one of constantly and slowly evolving movement and dynamic. The replication of this process in this work in solidified porcelain also attemps to echo soft and rounded forms of the living.
Leviathan 2007
Porcelaine et oxyde
Longueur 350 cm
Golden Prize
for Ceramics as expression
International Competition
the 4 th World Ceramic Biennale, Icheon, South Korea
Collection : The World Ceramic Center, Icheon.
This work already attracted the jury from the very beginning. It consists of four pieces showing a continuation form, but if looked closely it provides a discontinuation impression due to the tiny gaps between the pieces. It is quite clear that this work should be presented on the floor. The form and the lines of the surface show that the work was meant to be intimate with the floor. Since it is a ceramic piece that took a biomorphic form this work gives a strong impression of a natural thing that creeps on the surface of the earth in an intercourse manner. It is a very inspiring work.
Jury's statement by Jim Supangkat 2007
Engoulures et autres fleutelles
En prenant une masse de terre molle et en l'étirant de l'intérieur, celle-ci grandit et se métamorphose tout en gardant les traces des transformations qui ont été faites: les empreintes de la surface se tendent, se transforment, et laissent apparaître les couches qu'elles recouvrent. En bougeant avec la forme, ces traces montrent la progression des mouvements qui se sont succédés, comme les marques des étapes d'un développement.
Le corps qui fait bouger la forme est caché par la pellicule de terre qui l'occulte. Ainsi, toutes les manipulations et les interventions qui sont engendrées par la main restent imperceptibles; seule à être visible, la masse semble se mouvoir par elle-même, donnant l'insolite impression d'être vivante.
La forme finale est le résultat figé d'un processus et d'un mouvement où la matière est à la fois en train de se construire et de régresser. Cela implique une progression, une métamorphose possible où l'idée d'un début et d'une fin probable renvoie à la notion du vivant. Dans ce stade d'entre deux, la forme a le pouvoir de passer du semblable au dissemblable.
A travers les plis, les pleins et les creux de cette recherche formelle, je cherche à trouver des passerelles entre différents mondes organiques.
When you take a mass of soft clay and stretch it from inside, it enlarges and metamorphoses while still retaining traces of the transformations that have been made. The imprints of the surface tense, transform and allow the layers that they cover to appear. the body that causes the form to move is hidden by the film of clay that conceals it. All the manipulations and interventions that are engendered by the hand remain imperceptible. The mass, the only thing visible, appears to move and transform by itself, giving the curious impression of being alive.
The final form is the result, frozen in time, of a process and a movement where the material is both building and regressing. In this in-between phase, the form has the power to pass from the similar to the dissimilar. The idea of a possible metamorphosis, the notions of probable beginning and end, reflect back as well on the living.
1. Engoulures, 2008. Porcelaine et oxydes. Environ 25cm.
2. Alvéoles, 2009. Porcelaine. Environ 25cmx25cm.
4. Fleutelles accouplées, 2008. Porcelaine. 45x30cm.
5. Gestatio, film expérimental 3'30''. 2005.
6. Vue d'exposition, ESAD 2006